A quelques jours du sommet OM-Dijon qui opposera dimanche 6 décembre les deux premiers du groupe C de D2 féminine, rencontre et découverte passionnante avec le coach du DFCO, Samuel Riscagli qui nous a consacré près d’une heure de son temps.

Quelques mots sur le match d’hier à Véore-Montoison, match en retard, que vous avez gagné 2-0 et qui vous permet de vous hisser à la 2e place au classement, à 1 point de l’OM que vous rencontrez dimanche prochain, nous y reviendrons bien sûr. Comment s’est passé ce match à Véore ?

Un match difficile, dans le sens où on a rencontré une équipe qui joue sa survie et qui avait prévu, je pense, de jouer le match nul. On a joué sur un terrain qui n’avait pas grand-chose d’une pelouse de foot. Donc, très difficile de développer du jeu et d’y mettre de la vitesse. Il fallait avant tout assurer ses appuis et ne surtout pas trop mettre le ballon au sol. Les intempéries du moment n’ont pas arrangé ce terrain, petit et bosselé. Après, nous sommes tombées sur un bloc bas, bien organisé, très agressif. Entre leurs enjeux et ce type de terrain, ça a permis à cette équipe de Véore de nous contenir assez longtemps. Nous avons fait preuve de patience. Nous avions prévu ce genre de match. Nous nous étions entraînées pendant la semaine sur un terrain en herbe. À l’heure de jeu, elles ont un peu lâché le morceau et on a profité des espaces qu’elles ont laissés…

Vous avez pris la tête de la section féminine du DFCO à l’été 2013. C’est donc votre 3e saison. Mais vous étiez déjà au club côté garçons. Quel avait été votre parcours personnel auparavant ?

J’ai eu la chance de découvrir mon métier avec Rudi Garcia [aujourd’hui entraîneur à l’AS Roma, après être notamment passé par le LOSC] lorsqu’il entraînait Dijon en National (2002). J’ai connu avec lui la montée en Ligue 2 (2004) et la professionnalisation du club. Je travaillais alors au Centre de formation, et j’étais dans le staff en tant qu’adjoint. J’étudiais les adversaires, ce genre de choses, j’étais un peu l’homme à tout faire. En National, nous étions amateurs, et les tâches étaient très variées et plus que nombreuses. Puis, j’ai continué à au Centre de Formation, avant de quitter le club pour partir à l’étranger, au Canada. Puis je suis revenu au club. Il y a trois ans, le président (M. Delcourt) et la présidente de la section féminine (Mme Marie Cendrir) m’ont proposé de reprendre l’équipe pour construire un projet et de développer la section, car jusqu’alors elle n’était pas organisée. On avait juste une équipe de D2 récupérée via une fusion avec l’ASC Saint-Apollinaire. Depuis, en deux ans et demi, on a créé une section sportive de la 6e à la terminale et une équipe U19 nationale qui a vu le jour cette année. Et avec l’équipe première, nous avons l’ambition d’ici 2 ou 3 ans d’évoluer parmi l’élite. J’avais dit 5 ans en prenant l’équipe. On avance, on est un petit peu en avance sur les temps de passage.

« Les garçons vivent de leur passion. Les filles, c’est leur passion, mais elles n’en vivent pas. »

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Vous insistez pour mettre en place un mode de fonctionnement pour la section féminine qui ne soit en rien différent de ce qui existe pour les garçons au DFCO. Mais dans votre travail au quotidien avec les filles, avez-vous dû vous adapter ? Autrement dit, en dehors des aspects purement tactique et technique, gère-t-on un groupe de joueuses comme on le fait avec des joueurs ? Quelles éventuelles différences y voyez-vous ?

Ah effectivement, on ne gère pas des filles comme des garçons ! Je l’ai découvert il y a deux ans et demi, en venant de l’univers des garçons. Ça entraine une révolution en termes de gestion de groupe. Notamment la gestion des susceptibilités. Il faut faire attention au langage qu’on peut employer, et surtout à la précision des paroles. Il ne faut pas qu’il y ait de double sens, les paroles ne doivent pas pouvoir être interprétées. Le message doit être précis. Le problème avec les filles est que souvent leur seule et unique problématique, c’est la leur… Du fait que les filles ne sont pas professionnelles, exiger de leur part de la rigueur, de la constance, de l’exigence, alors qu’elles n’en vivent pas, c’est difficile. Les garçons ont un contrat depuis le centre de formation, ils vivent de leur passion. Là, les filles, c’est leur passion, mais elles n’en vivent pas. Il faut donc trouver les bons mots et le bon rythme pour leur dire, Ok, on s’entraîne tous les jours, mais en contrepartie, ce n’est pas votre survie professionnelle… J’ajoute que la formation des joueuses aujourd’hui n’est pas au top dans le foot féminin.

Cette saison a débuté de manière un peu particulière pour vous puisque l’équipe a dû changer de groupe, passant du A (groupe le plus au nord) au C (le plus au sud)… Tous les repères pris contre vos adversaires les deux saisons précédentes ne servent plus à rien cette année…

Strictement à rien, car je n’avais pas prévu de changer de groupe. Bon, on savait cependant qu’un jour ou l’autre on basculerait, car nous étions toujours l’équipe la plus au sud du groupe nord. Là, avec les descentes de D1 d’Arras, Issy et Metz, on se retrouve donc dans le groupe sud que je découvre. Le football est universel, donc je n’ai pas l’impression que ce soit plus difficile ou compliqué, que ce soit au nord ou au sud. Il y a peut-être des caractéristiques particulières, mais pas de grandes différences. Après, au niveau de la préparation, on avait déjà bien repéré nos adversaires du groupe A, il a donc fallu s’adapter. D’autant que trouver des infos dans le football féminin qui est très peu médiatisé, c’est assez compliqué. On va donc un peu à la découverte.

À l’intersaison, vous n’avez pas caché les grandes ambitions du club : accéder à la D1, y pérenniser votre place, professionnaliser la section le plus vite possible, et même dès cette saison. Sur les deux premiers points, il va un peu falloir attendre pour voir ce que ça donne. Pour le troisième, où en êtes-vous ? Avez-vous lancé ce processus de professionnalisation ?

Nous avons un projet socio-éducatif à vocation professionnelle qui fait que toutes les filles qui sont chez nous sont en section sportive au collège et au lycée, de la 6e à la terminale, et les postBacs sont en contrats d’apprentissage [Ils concernent les filles de 18 à 26 ans, avec des contrats de un à trois ans — NdR]. Nous avons une convention tripartite avec l’Université de Bourgogne à Dijon [35000 étudiants] et le CFA de Bourgogne. Les filles, tout en faisant leurs études, sont apprenties, donc employées par le club dans les métiers du sport et de l’animation. Ça nous permet d’avoir des filles non fédérales, mais sous contrat au club qui suivent leurs études et, grâce à cette organisation via l’apprentissage, peuvent s’entraîner tous les jours dans des plages horaires prévues à cet effet… Aller vers des contrats fédéraux n’est pas vraiment dans la philosophie du club. Pour nous, le foot doit être un outil d’éducation et une aide pour accompagner les filles dans leur formation future. Je pense que l’avenir des filles n’est pas aujourd’hui dans le football, en tout cas à Dijon, mais dans leurs études et leurs disciplines. Au foot de les accompagner dans ces projets. Nous n’avons pas vocation à produire des pros du foot, mais à les professionnaliser dans leur futur métier.

Ça passe également par une restructuration de votre section, puisque vous avez par exemple supprimé l’équipe de DH au profit des U19, et en privilégiant l’école de football (jusqu’à l’âge de 11 ans) tout en vous appuyant, comme vous venez de l’expliquer, pour les catégories intermédiaires, sur les sections collège et lycée, plus l’apprentissage..

Voilà ! On accueille tout le monde à l’école de foot, elle est là pour ça. Après, il y a l’entrée en section sportive en 6e, qui sert de premier filtre. On les accompagne au collège jusqu’en 3e. Puis on prend les filles qui nous semblent les plus intéressantes pour évoluer au haut niveau et en U19 national. Alors aujourd’hui on démarre, donc nous n’avons pas encore suffisamment de recul pour juger de l’impact de notre travail. Mais nous avons quand même déjà réussi à drainer un peu les filles à potentiel sur Bourgogne-Franche Comté. Toutes celles qui évoluent en sélection régionale sont aujourd’hui à Dijon.

« La priorité reste le club et le projet »

Samuel Riscagli sur le banc du DFCO.
Samuel Riscagli sur le banc du DFCO.

Votre effectif a pas mal bougé à l’intersaison, avec notamment les arrivées notables de Ludivine Bultel (Arras), Adeline Rousseau (Issy) Amandine Soulard (ASSE), Coralie Chanudet (Albi) ou Alexia Trévisan (Albi), hélas blessée et qui n’a pas encore joué. Toutes des joueuses ayant l’expérience de la D1.

Oui. On avait un groupe très intéressant, mais qui manquait d’expérience. Donc, notre but était de faire venir des filles intéressées par le projet du DFCO, de leur permettre une reconversion sportive, car aujourd’hui Amandine Soulard a 28 ans, Ludivine Bultel 26, Adeline Rousseau 24… Donc, des filles qui sont en processus de reconversion grâce au club. Soit en contrat d’apprentissage, ou elles apprennent leur futur métier chez différents partenaires par rapport à leur formation initiale. Ce sont des filles qu’on suit depuis un an, un an et demi. On avait passé l’année dernière à traverser la France un peu de long en large pour voir des filles susceptibles d’intégrer notre structure et qui, surtout, correspondaient à l’état d’esprit. Ce qui explique que le recrutement a été plutôt rapide. On n’a pas fait venir les filles juste sur un CV. La priorité reste le club et le projet.

Quand pensez-vous pouvoir récupérer Alexia Trévisan ?

Elle s’est fait les croisés en septembre, va faire la rééducation à Capbreton, et on l’espère pour mars. On a récupéré Charline Corne, qui vient des U19 de Lyon avec qui elle a été championne de France de la catégorie. Elle assure l’intérim, et le fait plutôt bien. Donc, on va prendre le temps pour Alexia. Qu’elle revienne tranquillement et surtout sans rechute.

Elle retrouvera certainement les Olympiennes Madeleine Anigo et Charlène Torossian qui vont aussi aller à Capbreton.

Ah, et bien elles pourront échanger, alors !

Après n’avoir pas pu jouer la 1ere journée de championnat contre Aurillac, à la suite du tragique décès d’Alain Morzières [entraineur du FC2A] la nuit précédant le match, vous aviez débuté votre saison par un 0-3 encaissé à Grenoble. Mais depuis, vous avez aligné neuf victoires consécutives, avec sept « clean sheets », dont vos cinq derniers matchs, et alors que votre défense avait été entièrement changée à l’intersaison… Je suppose que vous devez être très satisfait de cette première partie de saison, en tout cas jusqu’ici, et sans préjuger de ce qui se passera dimanche.

Oui, oui ! On ne peut pas ne pas être satisfait de ces performances. Étant défenseur de métier, l’animation défensive est quelque chose à laquelle j’apporte beaucoup de crédit, car je me dis que c’est plus facile de gagner quand on ne prend pas de but. Pour autant, on en marque aussi, car nous sommes une équipe joueuse. Pour le match à Grenoble, Adeline Rousseau avait les côtes cassées, Alexia s’était fait les croisés 15 jours avant, nous n’avions pas pu faire les deux matchs amicaux prévus avant le match, car l’Olympique Lyonnais et Genève nous avaient laissé tomber au dernier moment, et le match contre Aurillac avait été reporté. Donc, on arrive à Grenoble avec plus de 15 jours sans avoir joué, un manque de rythme, et une équipe qui a changé à plus de 50 %. Effectivement, ça avait été compliqué. Dans le jeu, nous n’avions pas été débordées, puisque Grenoble marque sur coups de pied arrêtés, deux corners et un coup-franc indirect. On avait aussi Laura Bouillot malade sur ce match. Mais dans le jeu, on était présentes avec des situations intéressantes.

« On est une équipe joueuse, agréable à voir jouer. »

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Tous les adversaires qui vous rencontrent mettent l’accent sur la qualité de votre jeu collectif et sur votre gros impact physique.

C’est assez marrant, parce que je lis beaucoup de choses là-dessus, et on a l’impression que toutes nos joueuses font 1,80 m ! Mais quand je vois Amandine Soulard, Maud Serrano, Charlyne Corne, Laura Bouillot, toutes ces joueuses-là… Je ne sais pas d’où vient cette réputation. On n’a pas une équipe particulièrement athlétique. Mais on est tourné vers la possession, nous sommes une équipe joueuse plutôt agréable à voir jouer. Après, on fait tout pour gagner les matchs, physiquement et mentalement. Peut-être qu’on a cette capacité, chez les équipes du nord, à l’impact physique… Je ne sais pas…

Quelle est votre conception personnelle du football ? Avez-vous des équipes – masculines ou féminines – qui vous servent de modèles de jeu ?

Je suis forcément inspiré par notre équipe professionnelle [Le DFCO est actuellement en tête de la L2, à égalité de point avec Nancy, après 17 journées], qui est aussi une équipe intéressante à voir jouer et va de l’avant avec un jeu de possession. Après, non je n’ai pas d’équipe-référence. Il y a es gens qui m’ont inspiré, comme José Arribas, Coco Suaudeau, Reynald Denoueix [les trois anciens entraîneurs mythiques du FC Nantes] ou encore Rudi Garcia, puisque j’ai eu la chance de travailler cinq ans avec lui. J’essaie de faire avec ce qui correspond au caractère de mes filles. Car, même si on veut un certain style de jeu, encore faut-il avoir les joueuses pour. Donc, on fait avec les joueuses que l’on a, leurs qualités, et ça colle bien.

Aucune équipe ne peut prétendre accéder à la D1 sans une grande buteuse. L’OM a Sandrine Brétigny, Grenoble Laury Jésus, bien secondée désormais par Anaïs Ribeyra. Vous, vous avez Laura Bouillot, dont on se rappelle les 18 buts en D1 en 2012-2013 avec Yzeure, puis son transfert raté à Saint-Étienne alors qu’elle semblait aux portes de l’Équipe de France. Là, elle en est déjà à 10 buts en 10 matchs, soit autant que son total de la saison dernière…

Laura, je ne sais pas si elle est vraiment une buteuse, en vérité. Elle travaille beaucoup sur le front de l’attaque. Elle crée des brèches dans la défense adverse, dans lesquelles s’engouffrent ses partenaires. Aujourd’hui, on a quand même plusieurs joueuses qui marquent des buts [31 buts en 10 matchs, avec 9 buteuses différentes, Laura Bouillot en ayant inscrit 10, Ludivine Bultel 6, Justine Pacaud 5]. Alors certes, on n’a pas une Sandrine Brétigny avec son total de buts impressionnant [17], ni le duo Ribeyra-Jésus [14 et 11 buts], mais on a une Bouillot efficace et qui sert énormément ses partenaires. Elle était partie à Saint-Étienne et ça n’a pas fonctionné, tant mieux pour nous qui l’avons récupérée derrière. Je reste persuadé que si elle fait partie d’un projet, elle a tout pour confirmer en 1ere division en espérant que ce soit avec Dijon. Il est clair que c’est un atout de l’avoir dans son équipe.

Laura Bouillot, un atout majeur au DFCO. © NikoPhot : Photo Nicolas GOISQUE/DIJON-SPORT
Laura Bouillot, un atout majeur au DFCO. © NikoPhot : Photo Nicolas GOISQUE/DIJON-SPORT

« Il aurait peut-être fallu faire la réforme sur deux ans »

Une chose parait aujourd’hui certaine, et ce n’est pas rien dans le contexte de la D2 et de ses six relégués en DH et par groupe en fin de saison : avec vos 15 points d’avance sur la 7e place, le maintien est d’ores et déjà assuré ! Que pensez-vous de cette réforme de la D2 et de la manière dont elle est mise en place, sur une seule saison ? Nécessaire, mais brutale ?

En ce qui concerne le maintien, même si on a pris quelques options, on n’y est pas encore, car ça peut aller très vite dans l’autre sens aussi avec la victoire à 4 points… La réforme, peut-être qu’il aurait fallu la faire sur deux ans. Je comprends parfaitement l’envie d’avoir une élite forte, avec une grosse D1 pour avoir une Équipe de France compétitive, mais ça me semble un peu brutal. Ce que je ne comprends pas est qu’aujourd’hui les équipes qui vont descendre le feront en DH, sans niveau intermédiaire. Et je m’interroge sur celles qui vont accéder à la D2. Je connais ma région Bourgogne-Franche Comté, et quand je vois le niveau régional du foot féminin, vu la tournure que prend la D2 – et tant mieux, car on va vers un meilleur niveau, comme chez les garçons – je ne vois pas comment les équipes qui seront promues pourront se maintenir. À moins d’y mettre des moyens extraordinaires, mais les clubs de DH aujourd’hui ne les ont pas. Ça me semble donc étrange. Et puis on aurait aimé avoir une première division avec plus de clubs. Mais c’est comme ça, on n’a pas le choix…

Les personnes que j’interroge sur le sujet sont vraiment unanimes sur la question : la nécessité de la réforme, mais la brutalité de sa mise en place, ainsi que le danger de voir disparaître des clubs historiques du foot féminin, comme par exemple Monteux ou le FA Marseille dans le groupe C.

Ah, complètement ! Comme vous dites, le danger plane pour pas mal de clubs historiques. Alors, oui, cette réforme est plus que nécessaire, car il est temps que cette D2 soit au niveau où elle doit être, mais ça me semble brutal et ça va mettre en danger beaucoup de clubs, y compris financièrement, car ils essaieront de se maintenir à tout prix pour survivre, et il peut y avoir des dérives à ce niveau. Ce que je constate et apprécie est de voir les clubs pros avoir envie de jouer le jeu. On voit de plus en plus de sections féminines de clubs pros, comme l’OM, Dijon, Toulouse, Bordeaux, Lille, Lorient, Angers… Ça, c’est très bien.

Plus globalement, dans quels domaines selon vous le football féminin doit-il progresser en priorité, pas seulement en France ?

Déjà, la médiatisation. Quand je vois Canal+ qui perd la Premier League, pourquoi pas à un moment donné prendre les droits de la D1 féminine ? Ce serait forcément moins vendeur que la PL, mais il y aurait sûrement des gens intéressés pour voir ce championnat. Peut-être pas tous les matchs, mais en diffuser… Et puis les clubs doivent prendre conscience qu’animer une section féminine, ce n’est pas y mettre systématiquement les éducateurs dont les clubs ne veulent pas. Il y faut des éducateurs formés, compétents. On arrive donc avec des filles pas très bien formées. Ça s’améliore petit à petit, principalement grâce aux clubs pros, d’ailleurs.

« On ne va pas à Marseille pour visiter le Vieux-Port »

Un coach fier de ses couleurs et légitimement ambitieux.
Un coach fier de ses couleurs et légitimement ambitieux.

Avant le coup d’envoi de la saison, vous disiez que l’OM était grandissime favori du groupe. À quelques jours de venir défier le leader chez lui, vous n’êtes qu’à un petit point et surfez comme on l’a vu sur une dynamique impressionnante. Vous allez dimanche à Marseille pour gagner et prendre les commandes, je suppose ?

Pour moi, l’OM reste le favori, car il bénéficie d’un effectif bâti pour accéder à la D1. Après, on ne va pas dimanche à Marseille pour jouer les touristes et visiter le Vieux-Port. On va jouer un match de foot, et effectivement je ne conçois pas le faire sans penser à gagner. Nous jouerons notre va-tout en sachant que nous avons un adversaire de très grande qualité en face. Jouer un match comme celui-là est une grande chance. Le football féminin va y gagner. Deux clubs professionnels. Bien sûr, l’OM est un très, très grand club et nous un club modeste, mais nous sommes dans la même division, un seul point nous sépare, avec à peu près le même parcours, on a marqué le même nombre de buts [31], on en a encaissé à peu près autant [7 pour l’OM, 6 pour le DFCO], voilà. L’OM a des arguments, nous aussi. J’espère que ce sera un super match de football, et pour le résultat tout dépendra de l’équilibre des forces dimanche. Mais nous ferons tout pour rentrer avec quelque chose, c’est évident.

Sur quoi à votre avis va se jouer le match de dimanche ?

Vu qu’il s’agit d’un match de haut niveau, ce sera sur les détails. L’équipe qui commettra le moins d’erreurs dans ses choix de jeu, sa justesse technique, probablement sur les coups de pied arrêtés.

« L’OM est un modèle à suivre »

Quel regard portez-vous sur le parcours de l’OM depuis la création de sa section féminine (2011), un an après que vous ayez vous-mêmes fusionné avec l’équipe de Saint-Apollinaire en 2010 et accédé à la D2 ?

J’avoue ne pas avoir été très curieux sur ça, car on avait nous-mêmes beaucoup de travail à structurer notre section. Mais voilà, l’OM a fait une super saison l’année dernière. Là, elles sont en tête et on sent une volonté d’aller vers le haut. Je pense que Marseille est un modèle à suivre, un club qui s’est donné les moyens, en tout cas en voyant ça de l’extérieur, au niveau organisation, infrastructures. Il ya une formation et préformation qui a l’air de se mettre en place. Oui, un modèle à suivre. Très intéressant de voir un club comme l’OM, club mythique en France, s’investir et avoir la volonté d’aller vers le haut. Je ne sais pas si l’OM sera un jour l’égal de Lyon ou Paris, mais la démarche est très positive.

Après le match contre l’OM, débutera pour vous la Coupe de France avec le premier tour fédéral (64e de finale). Vous jouerez contre Strasbourg-Musau (DH). Cette compétition est-elle un objectif, ou celui-ci reste-t-il avant tout le championnat, la Coupe étant si j’ose dire la crème sur le gâteau ?

On a dit aux filles que le quotidien était le championnat. On s’est donné cinq ans pour rejoindre l’élite, ça fait deux ans et demi, nous sommes à mi-parcours. Et on a ajouté que la Coupe de France était leur aventure à elles. On leur a confié les clés du bus pour la Coupe. Nous, on les accompagne dans leur aventure si elles veulent la vivre. Ce n’est pas un objectif pour nous. Nous, c’est s’installer dans le haut du tableau de D2 pour les années à venir, et le jour où ça voudra bien sourire, on montera. Mais la Coupe est une belle aventure à vivre pour des joueurs ou joueuses. C’est pourquoi on leur a confié les clés du camion.

Votre discours est à la virgule près celui que Christophe Parra avait tenu à ses joueuses la saison dernière au moment d’aborder la Coupe de France. Avec succès, puisque l’équipe avait atteint les 8es de finale. Ça semble un bon moyen pour les garder motivées, tout en les délestant de toute pression.

Voilà, pas de pression particulière. C’est leur compétition. Si elles veulent la jouer à fond, on la jouera à fond. Si elles ne sont pas plus impliquées que ça, on fera honneur et puis voilà.

Si vous pouviez choisir deux ou trois joueuses en France ou à l’étranger, y compris de grandes stars, qui prendriez-vous ?

(Longue réflexion) Je ne sais pas trop. Il y a plein de joueuses que j’aime beaucoup. Après, seraient-elles capables d’accrocher à un projet tel que celui de Dijon ? (Rire) Non, je ne sais pas… Pour le moment, je n’échangerais aucune de mes joueuses avec personne…

(Rire) Vous n’êtes pas comme Gérard Prêcheur alors, qui a récemment dit qu’il échangerait bien deux ou trois de ses Lyonnaises contre des joueuses de Soyaux !

Gérard a probablement des problèmes de riche… Non, j’apprécie vraiment mon groupe, et sa marge de progression est encore grande. On va essayer de les emmener le plus haut possible, et j’ai vraiment envie de m’installer dans la durée avec ces filles-là.

Dimanche, attention aux coups de pied arrêtés de Ludivine Bultel ! © NikoPhot : Photo Nicolas GOISQUE/DIJON-SPORT
Dimanche, attention aux coups de pied arrêtés de Ludivine Bultel ! © NikoPhot : Photo Nicolas GOISQUE/DIJON-SPORT

« Dans les clubs, il n’y a ni religions, ni couleurs, mais la même passion. »

Pour terminer cet entretien, je vous propose une carte blanche. Qu’avez-vous envie de dire à ceux qui vous liront, peut-être sur un sujet que nous n’avons pas abordé ?

J’ai la chance de vivre du foot tous les jours, d’en être professionnel. Si je peux véhiculer quelque chose d’intéressant… Car le football, comme tout le sport en général, véhicule de vraies et grandes valeurs. On a besoin de ça aujourd’hui, dans le monde dans lequel on vit. Je trouve dommage qu’on ne montre que les mauvais gestes du foot, car moi j’en vois de beaux tous les jours et tous les week-ends. Quand je vois ce qui se passe là, les événements actuels, ces problèmes de société, je ne sais plus quoi dire, ça me dépasse. J’ai l’impression qu’on n’a pas retenu les leçons du passé, on retombe dans des travers. L’humain est tordu, malheureusement. On n’a pas de leçons à donner, à personne, mais ce serait bien que les gens prennent un peu exemple sur le sport, et notamment le foot, sur toutes les valeurs qu’on peut véhiculer en termes d’entraide, de différences. Je vois au club, comme dans tous ceux de France et de Navarre, il n’y a pas de religions, pas de couleurs, mais la même passion, prétexte à réunir les gens.

Un grand merci, Samuel, pour cette belle conclusion, ainsi que pour votre disponibilité et gentillesse. Bravo pour tout votre travail, et rendez-vous dimanche à Marseille pour nous offrir avec l’OM une belle fête qui fera honneur au foot féminin !

Merci ! Je ne sais pas s’il y aura une équipe qui l’emportera, mais j’espère que le grand vainqueur sera le football féminin. À dimanche donc et avec plaisir, Philippe !

Ph. S.

© olympiennesetmarseillaises.fr

Photos : © DFCO. © © NikoPhot – Nicolas GOISQUE/DIJON-SPORT

Entretien réalisé par téléphone le 30 novembre 2015.